A quoi ressemblera le net dans 10, 20 ou 50 ans ?
Est-ce qu’on se rapprochera d’un monde virtuel, façon Matrix ou Neuromancien ?
Aura-t-on plutôt affaire à une grosse couche de contenu interactif venant se plaquer sur tout ce qui nous entoure (la fameuse « réalité augmentée ») ?
Ou tout simplement à plus de 3D, plus de vitesse, plus d’infos, plus de vidéos, plus de live, plus de jeux, plus de haute définition, plus de vitesse, plus de trading haute fréquence, plus de crypto-monnaies, plus d’intelligence artificielle, plus d’équipements connectés, plus d’intrications dans notre vie quotidienne ?
Quand on observe l’évolution fulgurante du web au cours des trois dernières décennies, on peut légitimement croire à tous ces futurs possibles. Pourtant, il existe une série de raisons qui devrait nous inciter à nous montrer beaucoup plus mesurés dans nos prédictions…
Une inertie certaine à court ou moyen terme
Pour autant, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Le web poursuivra probablement son évolution « inflationniste » (la surenchère des « plus de » et des nouvelles fonctionnalités) tant que ça sera possible.
J’entends par là qu’à moins de changer radicalement notre modèle économique et notre rapport au monde, il y a peu de chances que les tendances actuelles s’inversent soudainement.
D’autant qu’aujourd’hui, les enjeux économiques et financiers liés au web sont colossaux. Pour ne prendre que ces deux exemples, le commerce en ligne fait de l’ombre aux hyper-marchés depuis déjà pas mal de temps et toutes les places boursières ou presque sont dématérialisées…
On peut donc s’attendre à un développement des objets connectés, réseaux et fonctionnalités nouvelles dans les prochaines années. La miniaturisation et la facilité d’utilisation devraient continuer à progresser. La place du web dans nos vies va continuer à croître.
Mais il y a un hic…
Internet consomme et pollue de plus en plus.
En effet, le réseau des réseaux pompe aujourd’hui environ 10 % de la production électrique mondiale.
Ses infrastructures – des data centers aux appareils personnels connectés, en passant par les fibres, câbles en cuivre et autres satellites – figurent parmi les plus gourmandes en matières premières et métaux rares (et moins rares), dont l’exploitation détruit des régions entières à travers le monde.
Cette consommation et cette pollution nous poussent à remettre en cause la direction vers laquelle évolue internet actuellement. Celle-ci ne semble tout simplement pas soutenable à long terme.
D’optimistes techno-béas m’objecteront qu’« on trouvera bien des solutions et des alternatives pour continuer à croître ». On n’arrête pas le progrès disait mon grand-père. Et vive l’innovation !…
Évolutions technologiques du net et effet rebond
Plus sérieusement, prenons un instant pour analyser ce point de vue. On peut tout à fait imaginer que de nouveaux équipements et infrastructures permettront de réduire significativement la consommation et la pollution engendrées par le net.
Mais c’est compter sans l’effet rebond.
Effet rebond : brève définition
Des économistes ont en effet constaté que lorsqu’une technologie devient plus performante, sa consommation augmente en proportion. Et cela vaut aussi quand des appareils consomment moins qu’avant.
Par exemple, imaginons qu’on améliore les performances d’une voiture pour qu’elle consomme beaucoup moins de carburant et qu’elle coûte moins cher à produire… Cela rendra ce type de véhicule accessible à des foyers modestes (dans des pays en voie de développement notamment) et incitera les automobilistes à faire plus de kilomètres qu’avant…
L’effet rebond peut être observé dans de nombreux exemples à travers l’histoire.
Cette tendance est très forte et un peu contre-intuitive : si, par exemple, vous faites en sorte qu’un appareil pollue moins, cela favorise le renouvellement de ce type d’appareils (plus d’achats, donc plus de production, donc plus de pollution, et plus de déchets liés aux appareils remplacés) et même une augmentation de la consommation dans ce secteur (puisque ça coûte moins cher à utiliser, on va l’utiliser davantage et donc consommer autant, voire plus d’énergie et de ressources).
Dans de nombreux cas, cet effet se vérifie et agit comme un frein important à la « solution technologique » souvent apportée à la pollution et à la raréfaction des ressources. En fait, il s’avère que l’effet rebond rend souvent les nouvelles technologies totalement contre-productives d’un point de vue écologique.
Conséquences de l’effet rebond sur l’évolution d’internet
Or, comme on l’a vu, il est probable que la voie d’un internet technologiquement et écologiquement plus performant soit poursuivie. Les data centers de Google, Amazon et compagnie reposent d’ailleurs de plus en plus sur l’énergie solaire pour fonctionner.
Mais tout d’abord, ce type mode de production d’énergie est fortement sujet à caution quand il est déployé à grande échelle (voir cet article de la série « Grands Mythes Écolos » consacré aux énergies renouvelables).
Ensuite, ce petit coup de « greenwashing », permet à ces sociétés de s’auto-promouvoir et de continuer à se développer. Et donc de susciter davantage de consommation. Qui se traduit par des besoins en énergie plus importants…
Elles aggravent donc le problème en prétendant le résoudre.
Et ce n’est là encore qu’un exemple parmi d’autres… C’est pour toutes ces raisons que je suis convaincu que l’évolution inflationniste d’internet n’est pas soutenable, même (et surtout) en prenant en compte l’innovation technologique.
Penser l’internet du futur dans un monde fini
Ainsi, dans un système-monde à la résilience et aux ressources limitées, il faut penser un internet qui ne croîtra pas indéfiniment. Et j’irai même plus loin…
Comme l’évoquent Servigne et Stevens dans leur ouvrage Comment tout peut s’effondrer ou comme je l’écris dans un article recensant les grandes crises à venir, nous avons déjà dépassé de nombreuses frontières et commençons à flirter avec les limites les plus critiques pour la survie de notre modèle de civilisation.
Ainsi, les ressources en énergies et en métaux rares de la planète sont tellement entamées qu’elles ne nous permettront probablement pas d’opérer la transition énergétique nécessaire au maintien de la croissance mondiale imposée par notre style de vie. De plus, nous sommes très fragilisés par des systèmes financier et politique au bord de l’implosion.
C’est pourquoi je suis convaincu que notre société va connaître de profonds bouleversements dans les années et les décennies à venir.
Et le futur d’internet va forcément s’en ressentir…
Même dans l’univers virtuel du web, le « toujours plus » n’est pas soutenable éternellement car il repose in fine sur les ressources de notre monde physique.
Alors, à quoi pourra bien ressembler l’internet du futur dans notre monde fini ?
Voie 1 – Un internet à deux vitesses
La première possibilité à envisager est en fait le prolongement d’un des aspects actuels du net.
1.1 – La fracture numérique actuelle
Celui-ci est difficile à percevoir quand on est bien calé dans son bureau ou son appartement, au sein d’une aire urbaine surpeuplée, où la 3G et l’ADSL2+ sont les standards minimaux depuis quelques années.
Au pire, votre connexion va ramer de temps en temps, mais vous pourrez mater des vidéos en streaming et télécharger à peu près tout ce que vous voulez sans trop vous poser de questions. Et la plupart du temps, vous disposerez de plusieurs appareils pour naviguer, jouer, communiquer via le net (smartphone, tablette, portable, PC de bureau, au travail ou chez vous…)
Mais songez un instant que cette situation est loin d’être une généralité à travers la planète. On estime en effet qu’à peine plus de 50 % des humains disposent d’un accès à internet…
Bien sûr, entre les deux extrêmes (4G et fibre optique à domicile vs aucune connexion), il existe de nombreux paliers.
Ainsi, de plus en plus d’habitants de pays en voie de développement disposent d’un smartphone. Mais il s’agit souvent de vieux modèles de récupération ou de modèles « light », peu performants.
Quant à la couverture réseau, elle varie aussi énormément, selon que vous séjourniez en plein cœur de Paris ou au fin fond des Pyrénées…
Cette fameuse « fracture numérique », si elle peut donner l’impression de s’estomper progressivement, devrait au contraire s’intensifier lorsque les ressources en énergie et en minerais deviendront un sujet critique – ou simplement dans un contexte de crise économique mondiale où les investissements seront gelés pendant de longues années.
1.2 – Risques d’aggravation et conséquences possibles
Dans une telle situation, l’accès aux services des gros monopoles du web (type GAFAM et NATU), qui proposent, quelles que soient les critiques qu’on puisse leur adresser, des services pratiques et ultra-performants, seront de plus en plus conditionnés à une contrepartie de la part des utilisateurs.
Pour accéder à l’ensemble des fonctionnalités proposées, il faudra payer : achat de services au coup par coup ou au forfait, partage des données personnelles, temps de cerveau disponible…
En fait, c’est bien entendu déjà le cas, mais on peut s’attendre à ce que cette tendance s’accroisse.
Et selon un tel modèle, il va de soi que certains utilisateurs-cibles sont beaucoup plus intéressants pour les annonceurs. Les plus aisés en profiteront davantage.
Il est donc probable que l’internet du futur s’avère très différent en fonction de votre niveau de vie (au regard des répartitions des richesses nationales et mondiales) et selon que vous viviez dans une métropole dynamique ou dans un des coins les plus reculés de la « France périphérique » chère à Christophe Guilluy.
Rapide, performant, riche en nouvelles fonctionnalités pour les uns.
Lent, dégradé, de moins en moins accessible pour les autres.
Et, sous la pression de la raréfaction des ressources et de l’énergie (et donc de la disponibilité du réseau), l’écart ne devrait cesser de croître, les inégalités d’augmenter, l’internet qualitatif d’être réservé à un nombre de plus en plus restreint d’utilisateurs.
Au terme d’une telle évolution, pourra-t-on encore vraiment parler d’internet ?
Sans doute : puisque le net a commencé avec un nombre très restreint d’utilisateurs, il pourrait bien finir avec un nombre tout aussi restreint. Mais son intérêt semblerait alors plutôt limité (pour l’essentiel de la population tout du moins).
Voie 2 – Un internet minimaliste
Sans remettre en cause la tendance que je viens d’évoquer (l’intensification d’un internet à deux vitesses me paraît plus ou moins inévitable à moyen terme), je pense qu’une autre évolution d’internet est possible – et même souhaitable – en parallèle.
Le réseau des réseaux a été conçu dans un contexte militaire et universitaire, d’abord pour prévoir un système de communication décentralisé et résilient, ensuite pour échanger des connaissances.
Ces deux missions fondatrices sont celles qui donnent ses lettres de noblesse à Internet.
Dans un contexte de crise (voire d’effondrement), un accès au net, même partiel et dégradé, permettrait à des êtres humains et des communautés de continuer à communiquer pour partager des informations nécessaires à leur survie, ainsi qu’à la préservation et au développement de leur culture.
Pour cela en réalité, nul besoin de 3D et d’intelligence artificielle.
Pas besoin non plus de visioconférence, de musique ou de films en streaming, de minage de Bitcoin, de jeux en ligne massivement multijoueurs aux graphismes époustouflants… Bref, pas besoin d’un très haut débit, d’une disponibilité élevée ou d’appareils connectés ultra-performants.
Il suffit de se concentrer sur les services essentiels.
Et pour y parvenir, soit on passe par la contrainte (services accessoires disponibles sous conditions, lois et verrous limitant les fonctionnalités gourmandes en ressources à tout ou partie de la population…), soit on décide collectivement et volontairement de s’orienter vers un Internet plus sobre et résilient.
Quoi qu’il en soit, la plupart d’entre nous devra probablement s’adapter à la nouvelle donne écologique et énergétique, et cela passera aussi par un rapport nouveau à l’internet.
Voici les piliers qu’il faudrait conserver à mon sens, ainsi que les directions à adopter pour chacun d’eux.
2.1 – La messagerie : retour aux mails (cryptés).
Pas forcément besoin de faire appel à la discussion instantanée.
Le mail peut suffire pour répondre aux missions cruciales du net en termes de communication entre un petit nombre d’individus.
Cela peut inclure l’échange de fichiers, mais ceux-ci devraient rester de taille modeste. Le respect de la vie privée étant aussi une part essentielle à mon sens, l’usage et le développement de messageries cryptées me semble nécessaire.
Et si l’on décide quand même d’utiliser une messagerie instantanée, alors il conviendrait là aussi de se tourner vers une solution décentralisée, cryptée, peu gourmande et limitée en transfert. Il faudrait la réserver aux échanges de textes et de fichiers peu volumineux. Et poser une limite à la durée de conservation de ces messages…
2.2 – Un web light et décentralisé.
Pour les sites web, qui permettent de diffuser efficacement de l’information à plus grande échelle, l’auto-hébergement et l’hébergement associatif devraient être privilégiés.
Ces solutions permettent de s’affranchir des grosses plateformes et de rester sur un modèle aussi décentralisé (et donc résilient, libre, autonome) que possible.
Le contenu des sites devrait reposer essentiellement sur le texte et les images de faible résolution. Ainsi, le poids du trafic sera considérablement réduit (la vidéo, par exemple, fait appel à énormément de ressources et de bande passante).
2.3 – Des réseaux d’échange Peer to Peer.
Internet est un lieu de partage.
Or, pour échanger rapidement des fichiers et des informations à grande échelle sur un mode horizontal (en gros, pour faire vivre un réseau social ou un simple réseau de dépôt et d’échange d’information), l’architecture Peer to Peer n’est pas forcément la moins demandeuse en ressources…
Mais en limitant la taille et la quantité de fichiers échangeables par chaque membre du réseau, il est tout à fait possible de le rendre fluide, résilient et peu gourmand.
En contrepartie, l’avantage du P2P est conséquent : il est très robuste et fortement décentralisé. Cela permet entre autres de s’affranchir de l’influence des poids-lourds du net.
2.4 – Accès à internet : fixe, mais stable et décentralisé.
En réalité, l’internet mobile est loin d’être vital si on souhaite se concentrer sur les mission cruciales d’internet.
Un seul point d’accès fixe par foyer, voire quelques accès seulement par communauté, village ou quartier, peuvent parfaitement suffire. Pas besoin d’un débit élevé si les échanges d’information se font principalement sous forme de texte ou de petits fichiers.
En revanche, il faut viser la stabilité de la connexion et la décentralisation. Revenir à l’idée de base d’internet : une solution simple et résiliente…
Pour le choix des fournisseurs d’accès, les solutions associatives ou collectives (locales, régionales ou nationales) sont à privilégier, plutôt que celles offertes par les très grandes entreprises et autres multinationales.
2.5 – Un net plus orienté « pratique » que « divertissement »
On comprend donc que dans ces conditions, l’usage d’internet se concentrerait sur l’essentiel et évacuerait le superflu.
Même s’il permet d’échanger et de passer un peu de bon temps, l’internet minimaliste n’est donc pas l’alpha et l’oméga du divertissement. Pour employer son temps de loisir, il faudra donc apprendre à décrocher des écrans (ce qui n’est pas plus mal, pour la plupart des gens).
Ou à jouer, écrire, dessiner sur un ordi… en local !
Pourquoi est-il souhaitable de s’orienter vers un internet minimaliste ?
Mettre en place dès maintenant des solutions pour un internet minimaliste est tout à fait souhaitable.
Tout d’abord, en cas de crise, nous disposerions d’office d’un outil résilient.
Ensuite, cette vision orientée radicalement vers la sobriété limite l’intérêt de poursuivre la fuite en avant technologique et donc les dégâts qu’elle exerce sur nos écosystèmes.
Enfin, elle permet de préparer la transition et de limiter les impacts de la tendance « internet à deux vitesse »… Elle représente aussi l’avantage de reposer sur des solutions décentralisées et bénévoles (hackers, internet libre et/ou associatif), dépossédant les trusts et les états d’une part de leur pouvoir sur notre quotidien.
En tant qu’internautes, nous avons tous une responsabilité sur l’évolution du net.
Nous sommes la demande, nous avons, collectivement, pouvoir de vie et de mort sur Facebook, Google, Amazon, etc. Pour qu’ils meurent, il nous suffit, tous ensemble de ne pas les utiliser.
Bien sûr, une telle désertion n’est pas prête de se produire. Mais elle n’est pas si impossible qu’on le pense généralement. Il s’agit d’abord, pour une avant-garde éclairée, d’inventer un nouveau rapport à internet (qu’on pourrait appeler le « net minimaliste », par exemple).
Si cette avant-garde prend une ampleur suffisante, elle peut atteindre une masse critique, suffisante pour provoquer un effet « boule de neige » au sein de la population (c’est ainsi qu’on a pu assister à l’émergence de révolutions, ou tout simplement à l’adoption générale de certains outils, comme Facebook par exemple).
Mais aussi et surtout, en appliquant ces choix, nous nous détachons du système et nous libérons dès à présent, au moins partiellement, de son emprise.
Enfin, nous préparons le terrain pour le moment où le pouvoir actuel sera trop faible pour se maintenir en l’état. l peut venir un moment où l’internet « haut de gamme » ne sera plus disponible pour personne ou presque… Ne restera alors que le net minimaliste pour prendre le relais.
Si un tel moment de bascule survient, les solutions de remplacement seront déjà disponibles et le chaos un peu moins grand. Quand les grands monopoles menaceront de crouler, nous hésiterons moins à franchir collectivement le pas de l’indépendance et de l’autonomie, si nous savons que ces solutions existent.
Des solutions concrètes à appliquer dès maintenant
Bon, mais concrètement, ces solutions, quelles sont-elles ? Pour commencer, voici une série de gestes simples pour :
- Limiter votre impact environnemental lié au web
- Utiliser les alternatives libres et décentralisées aux géants du web
- Bloquer la pub au quotidien, notamment sur le net, afin de vous affranchir un peu plus de l’influence des GAFAM et autres.
Et de manière plus générale, je vous conseille de mettre en œuvre les pratiques suivantes :
- Préférer les solutions libres et décentralisées (Linux, le P2P, les hébergeurs et fournisseurs d’accès associatifs, etc.)
- Limiter le visionnage des vidéos et les jeux en ligne
- Limiter le temps passé en ligne et le nombre d’appareils connectés
- Choisir un seul accès à internet, si possible fixe et fourni par un FAI associatif, et supprimer les autres
- Pratiquer hors-ligne ce qui peut l’être (traitement de texte, musique, jeux, etc.)
Et ainsi de suite ; il s’agit bien sûr d’adopter un rapport plus sobre à internet et de moins dépendre des grosses plateformes qui concentrent les pouvoirs : le minimalisme, c’est aussi savoir se débarrasser des « gros lourds » qui prennent trop de place dans nos vies !
À mon avis, si nous n’avançons pas ensemble dans cette direction, il est fort probable qu’internet se dévoie complètement ou meure bel et bien…
C’est pourquoi je pense que l’internet du futur sera minimaliste ou ne sera pas.
EDIT : Peut-on envisager un « internet du futur » alors que notre civilisation est peut-être vouée à l’effondrement ?
Suite à des échanges sur les réseaux sociaux (groupes de collapsologie en particulier), j’apporte ici quelques précisions.
Non, je ne pense pas qu’internet soit une technologie soutenable dans la perspective d’un effondrement. Mais il est difficile de se faire une idée claire du futur qui nous attend, en raison notamment des crises politiques, économiques et énergétiques, en cours et à venir.
Le black out soudain, généralisé et définitif n’est pas totalement à exclure (au moins à l’échelle d’une région ou d’un état), mais ce n’est pas non plus l’avenir le plus probable. Si l’on prend quelques minutes pour penser en collapsologue, on peut aussi s’attendre à un déclin s’étendant sur quelques années voire décennies, inégal selon les classes sociales et les régions, émaillé de chocs et de crises ponctuels, plus ou moins violents. De mon point de vue, on est même déjà plus ou moins en train de vivre cette phase (ou, disons, le début de cette phase).
Dans un tel contexte, Internet n’est pas forcément à jeter à la poubelle, sous prétexte qu’il n’est pas voué à durer éternellement (car très consommateur en matériaux et en énergie, même dans sa version « light »).
Pour moi (je dis bien « pour moi ») la réponse à la question « peut-on envisager un internet du futur malgré l’effondrement qui semble s’annoncer » n’appelle donc pas une réponse binaire.
On hérite d’une situation avec des problèmes en cours et à venir, mais aussi d’outils plus ou moins utiles en cas de crise ou de retour forcé à la terre. On dispose déjà de pelles, de pioches et autres ustensiles bien pratiques ; pas besoin de tout refabriquer. Il y a aussi des tas de maisons déjà bâties qu’on peut habiter, retaper… De même, des infrastructures existent (usines, réseaux routiers, etc.) et il n’est pas dit qu’on soit totalement à sec d’énergie, d’un seul coup.
Il faut donc voir ce qui vaut la peine d’être maintenu / entretenu plus longtemps, et pour quelles fonctions. Concrètement, avec internet, on a un réseau qui existe. En l’état, il requiert énormément de ressources, mais on peut aussi envisager une version moins coûteuse et un peu plus facile à faire fonctionner.
Faut-il donc tout liquider à la première défaillance du système ou essayer d’en préserver une partie pour tenter de transiter plus facilement ? Car assurément, Internet pourrait rester, en cas de crise, une source d’informations précieuses et un bon outil pour communiquer…
Je ne détiens pas la vérité bien sûr, ce n’est qu’une question que je pose. Je crois (pour l’instant du moins) que tout cela devrait se décider si possible collectivement, au cas par cas.
Autre exemple du même genre : serait-il pertinent de réserver pendant quelques années l’usage de véhicules à moteurs pour des services cruciaux (pompiers, ambulances…) Idem pour l’électricité que l’on pourrait réserver aux hôpitaux et aux services d’urgence, etc.
Bien sûr à long terme, ces questions ne se posent pour ainsi dire pas (il faudra de toute façon passer à de solutions durables, donc low tech). Mais restons pragmatiques : il y a la phase de transition et là on peut réfléchir, arbitrer, faire des choix judicieux… ou pas !
4 commentaires
Je ne crois pas que l’auto-hébergement soit une solution, d’abord parce que l’autonomie personnelle en énergie est une utopie complète. Peut être qu’on aura des accès limités dans le temps à des réseaux, et qu’à ce moment on pourra accéder à des informations sur les réseaux locaux. De plus l’auto hébergement c’est souvent être à la merci de la cyberpiraterie (qui pourrait être demain pour des trucs aussi con que de savoir si vous avez une bonne récolte). La conservation des connaissances est un sujet sérieux, la décentralisation est nécessaire mais pas jusqu’au niveau personnel, à mon avis.
Tout d’abord, merci à toi de partager ton avis 🙂
Tu as probablement raison, l’auro-hébergement ne permettrait pas, dans un contexte d’effondrement, de proposer une bonne disponibilité pour un site. Mais les data centers ne sont pas non plus un système très viable dans de telles circonstances – très consommateurs en énergie. Donc, si on accepte le fait qu’Internet sera assez souvent en mode « dégradé », proposer un site dispo de temps en temps, c’est mieux je pense que rien du tout.
Mais il existe peut-être des méthodes de décentralisation plus sympa et pérennes, c’est à voir…
Pour ce qui est des risques pour les auto-hébergés de s’exposer aux pirates/voleurs, je crois qu’il faut trouver un équilibre entre ouverture sur le monde et sécurité. A la limite, le simple fait de se connecter sur les réseaux démontre que tu as accès à de l’énergie et de la nourriture, donc pour moi, il faut surmonter ce risque et garder contact avec le monde tout en adoptant des mesures de protection assez solides (et donc maîtriser un peu le sujet avant de se lancer, sinon ce n’est pas la peine en effet).
Pour les soucis de l’auto hébergement, je n’ai fait que répéter ce que disent les sysadmin (https://www.april.org/auto-hebergement-fausse-bonne-idee-aeris)
Il y a un autre problème qui peut vite survenir, c’est la tombée des cables transatlantiques qui relient l’europe et les états unis. Imaginer un internet sans services américains, ca peut modifier les habitudes de pas mal de monde.
Enfin, pour tout ce qui est cryptomonnaies, des systèmes de résilience ont été évoqués par ondes radio, mais il faudrait bien sur faire des tests pour voir si on peut communiquer informatiquement via un réseau plus frugal. Une connaissance m’avait dit que les ondes radio étaient beaucoup plus puissantes que les ondes wifi, et que pour cela il pensait que s’inquiéter de la 5g sur l’organisme c’était de la connerie. Je ne partage pas son avis sur la santé, par contre j’imagine sans peine que les ondes radio puissent être une roue de secours pour les réseaux d’information, car c’est de cela dont on parle.
Une piste intéressante, ces ondes radios ! Je vais creuser un peu ça, voir si je peux comprendre quelques trucs (et même s’il y a moyen de tester sans trop de difficultés).
PS : le transcript que tu donnes en lien vaut le détour, merci 🙂