Voici le témoignage de Michelle McGagh, une journaliste britannique qui travaille notamment pour le Guardian. Elle s’est lancé un défi Zéro Dépense sur un an : aucune dépense en dehors des plus incompressibles (crédit immobilier, électricité, courses alimentaires…)
J’ai trouvé son approche intéressante : elle n’est pas du tout dans le même état d’esprit que moi, ses motivations sont très différentes… et pourtant Michelle a pris certaines décisions similaires aux miennes eu égard à son mode de vie.
Je me suis dit que traduire et partager son article (l’original en anglais se trouve ici) permettrait d’aborder la déconsommation sous un autre angle et intéresserait aussi pas mal d’entre vous 🙂
Il y a tout juste 12 mois, je me suis lancé un défi : arrêter toute dépense en dehors de mes factures mensuelles, pour une année entière. J’ai débuté mon challenge à la fin novembre, pile au moment où les autres personnes commençaient à se ruer dans les magasins.
Ça n’a pas toujours été facile, mais au bout d’un an, je suis plus riche… et plus sage.
Et, fait un peu plus embarrassant : j’ai compris combien d’argent j’avais pu gaspiller dans les bars, les restaurants et en faisant bêtement du shopping.
Le défi Zéro Dépense
Comme je suis journaliste financier, les gens présumaient que je me débrouillais très bien avec mon argent. Mais, bien que j’écrivais un tas d’articles sur les bienfaits de l’épargne, j’étais loin de pratiquer la bonne parole que je prêchais.
Je pensais que comme je gagnais un bon salaire, que je n’avais contracté aucun crédit à la consommation et que mon compte bancaire n’était pas dans le rouge, je n’avais pas à m’inquiéter de mon argent.
Je dépensais sans penser, en proie à la publicité et au marketing, et d’une certaine manière convaincue que le bonheur pouvait s’acheter.
J’étais piégée dans un cycle de consommation – gagnant de l’argent pour acheter des choses dont je n’avais pas vraiment besoin et qui ne me rendaient pas heureuse.
Arrêter de dépenser pendant un an fut une approche extrême, mais le but était de me confronter à la frugalité, de secouer mes habitudes dépensières et de rembourser rapidement mon emprunt immobilier au lieu de tout dilapider dans le shopping.
Je me suis donc limitée à payer :
- mes factures (eau, électricité…),
- mon crédit immobilier,
- mes impôts,
- ma connexion internet,
- mon abonnement téléphonique,
- mes versements d’assurance-vie,
- les dons programmés à des œuvres de charité,
- l’aide versée à des membres de ma famille
- et les courses alimentaires basiques.
J’ai appris à acheter de la nourriture d’une bien meilleure façon qu’auparavant – je me suis mise à planifier les repas, à préparer mes plats à l’avance pour la semaine et j’ai tout simplement amélioré mes qualités de cuisinière.
Mon mari a accepté de faire le défi avec moi pour la partie « courses » et sur ce point, nous avons réduit nos dépenses (qui comprenaient les trois repas par jour chacun et les produits ménagers de base) à 35 € par semaine.
Petits écarts et difficultés
Mais il y a eu deux moments où j’ai été obligée de faire un écart et mettre la main à la poche.
Le premier eut lieu lors de mes vacances à vélo : j’ai dépensé 2,20 € pour un paquet de chips parce qu’il n’y avait rien d’autre à manger au magasin local – hormis de la tourte au porc…
Le second s’est produit quand mon voisin – qui n’était pas au courant de mon défi « zéro dépense » – a donné son feu vert au couvreur pour remplacer une tuile sur le toit que nous avons en commun. Le travail avait déjà été fait – mon voisin avait acquitté la facture de 100 € et je lui ai donc payé les 50 € que je lui devais.
Et je ne suis pas trop contrariée par ces 52,20 € d’écart sur une année entière.
Je ne vais pas prétendre que cette année fut facile, en particulier les premiers mois, lorsque j’essayais de poursuivre mon ancienne vie sans argent pour le faire. Je me suis rendu compte que ca ne pouvait pas fonctionner.
J’ai failli abandonner à de nombreuses reprises pour céder à des petits caprices : me payer une bière dans un bar, ou simplement m’acheter un ticket de bus plutôt que prendre mon vélo.
Passer du bon temps sans dépenser
Mais j’ai compris qu’il me suffisait de trouver de nouveaux moyens de prendre du bon temps, sans avoir à mettre la main au porte-monnaie et m’engouffrer dans un bar.
Grâve à des sites comme Eventbrite [site anglo-saxon d’organisation d’événements, gratuits ou non, ndt], j’ai pu participer à des soirées de dégustation de vin et à des pièces de théâtre sans dépenser d’argent.
J’ai aussi utilisé SRO Audiences [service britannique permettant de s’inscrire pour assister à des tournages, ndt] pour voir des comédies et des programmes télé en train d’être filmés, sans que cela ne me coûte un centime.
Habitant à Londres, j’avais accès à plein d’activités culturelles gratuites tout près de chez moi et je suis allée à plus d’expositions cette année que jamais auparavant – ma favorite étant les First Thursdays, un événement lors duquel 150 galeries d’East London ouvrent tard et proposent des visites privées et des conférences.
J’ai même pu m’organiser des vacances gratuites, à vélo sur la côté Suffolk et Norfolk, en faisant du camping sauvage sur les plages. C’est quelque chose que je n’avais jamais fait avant et que je n’aurais probablement jamais fait si je ne m’étais pas lancé ce défi – et maintenant j’ai tellement hâte d’y retourner l’année prochaine !
Il y a quand même eu des moments plus difficiles à gérer – comme lorsque j’ai dû m’abstenir d’aller voir des films qui me tentaient bien… ou quand j’ai dû refuser de rejoindre des amis au restaurant.
Il y a eu aussi des moments bizarres et difficiles à assumer, comme la première fois où je suis arrivée à un dîner les mains vides parce que je n’avais pas pu acheter une bouteille de vin avant de venir. Du coup, il m’est souvent arrivé de faire la vaisselle chez mes amis – un moyen comme un autre de les remercier de m’avoir invitée.
Les économies
Comme j’avais beaucoup réduit mes dépenses, j’ai commencé à augmenter mes mensualités sur mon crédit immobilier. Nous avons aussi pris un locataire, ce qui a permis d’augmenter encore le montant de nos remboursements.
Cela m’a fait prendre conscience que je n’étais pas condamnée à rester endettée sur 25 ans, comme la banque aimerait que je le sois, et que j’avais la possibilité de solder mon crédit plus tôt.
En augmentant mes mensualités, je n’ai pas seulement avancé la date où j’aurais tout remboursé, j’ai également réduit le montant total des intérêts à verser à ma banque.
Gratitude
Je suis reconnaissante d’avoir un revenu suffisant pour économiser et je sens qu’il faut que je profite au maximum de cette chance – j’espère que j’ai encouragé d’autres personnes à réévaluer leurs habitudes de dépenses.
Je voudrais également profiter de cet article pour remercier les personnes qui se sont engagées avec moi dans ce défi sur les réseaux sociaux – elles m’ont toutes beaucoup aidée à maintenir mes bonnes résolutions.
Pour autant, tout le monde n’a pas été aussi positif à propos de ma petite expérience, certains m’accusant de verser dans de la fausse pauvreté, mais il y a une énorme différence entre pauvreté et frugalité.
Cette expérience ne portait pas sur la pauvreté, car la pauvreté n’est pas un choix. Je pouvais toujours payer mon crédit, mes factures et ma nourriture. L’année écoulée a été une expérience d’extrême frugalité centrée autour d’un choix : le refus de dépenser.
Malgré les quelques moments bizarres et mes petits écarts, cette année m’a donné l’élan nécessaire pour essayer de nouvelles choses. La meilleure chose à propos de ce défi Zéro Dépense est qu’il m’a permis de dire plus souvent « oui » et qu’il m’a rendue plus aventureuse.
Avoir le choix de dépenser ou non est un privilège et je suis devenue beaucoup plus sensible aux raisons qui nous poussent à acheter.
Comme je le disais, j’ai réalisé que la société de consommation nous tient enchaînés à nos bureaux, à travailler pour gagner de l’argent afin d’acheter des choses dont on n’a pas besoin et qui n’améliorent pas nos vies. Et quand ces choses ne nous rendent pas heureux, nous retournons travailler pour gagner plus d’argent et nous acheter d’autres choses.
Les 12 derniers mois m’ont permis de sortir de ce cercle vicieux et je peux dire honnêtement que je suis plus heureuse aujourd’hui. J’ai acquis des compétences et plus de confiance en moi, fait des choses que je n’aurais jamais fait sinon et rencontré des gens que je n’aurais jamais rencontré sans ce défi.
Beaucoup de gens m’ont dit : « Je parie que tu n’en peux plus et que tu vas te ruer dans les magasins pour faire des folies », mais en toute franchise, je ne suis plus intéressée par le shopping.
Il y a quelques habits que j’ai besoin de remplacer et mon vélo mériterait un petit tour à l’atelier, mais c’est tout ce que j’envisage…
Il me reste encore un jour sans dépense pour terminer mon défi.
Ce week-end, je ne vais payer que deux choses : une tournée pour mes amis et ma famille pour les remercier de leur soutien, et un billet d’avion pour aller voir ma grand-mère en Irlande.
Cinq choses qui m’ont vraiment manqué cette année
Cette année sans dépense m’a appris ce dont j’avais vraiment besoin. Et je n’ai vraiment pas besoin de grand-chose.
Je m’attendais à souffrir beaucoup plus de manquer autant de gros événements et de sorties. De même, je croyais que beaucoup plus de petits objets du quotidien allaient me manquer… Mais en fin de compte, tout cela se compte sur les doigts de la main :
- Du bon curry : je ne suis pas la meilleure des cuisinières et mes curry maison ne sont pas à la hauteur des succulents currys servis dans les restaurants près de chez moi.
- Les fleurs : J’ai réalisé à quel point les fleurs me manquaient à la maison quand j’ai reçu des bouquets à mon anniversaire – elles ont illuminé ma maison et mon humeur…
- De la crème hydratante : cela ne rentrait pas dans ma liste des dépenses incompressibles, ce qui était probablement une erreur si l’on considère l’aspect de mon visage après avoir été fouetté par le vent quand je reviens d’un tour à vélo.
- Le parfum : mon déodorant Lidl a toujours tenu le coup malgré mes fréquentes balades à vélo, mais un zeste de parfum m’aurait aidé à me sentir plus humaine et moins transpirante.
- Le bus : j’adore faire du vélo, mais j’aurais bien aimé pouvoir grimper dans un bus quand il gelait ou qu’il pleuvait ; prendre le bus, en particulier pour me rendre à des endroits où je devais avoir l’air élégante, aurait été un grand plus.
Si cet article vous a intéressé, je vous conseille de découvrir le témoignage de Mark Boyle, un Irlandais qui a décidé de vivre plus d’un an sans argent (ce qui permet de relativiser : à côté, le défi de Michelle McGagh ne paraît plus si « extrême » 😉 ).
5 commentaires
BraVo pour ce témoignage
Je commence une démarche similaire mais beaucoup moins contraignante
Ma première étape :finir tous les flacons plastiques et autres produits achetés et non utilisés pour faire le vide
Mon souhait partir sur des produits plus simples avec le moins de emballage possible
Des solutions existent pour vivre plus simplement avec moins mais surtout plus heureux
Merci pour ton commentaire 🙂
Que de beaux projets ! Tiens-nous au courant de tes avancées, si tu le souhaites 🙂
Je te tire mon chapeau ! Ça n’a vraiment pas dû être facile de réaliser une année sans dépenses inutiles. J’aimerais pouvoir faire pareil, desfois je m’impose un mois sans dépenses ! J’arrive a m’y tenir donc je suis déjà plutôt fière de moi, qui était une grande dépensière il y a encore de ça un an je dirais ^^
Après un an de pauvreté, de stop en hiver le soir, de moments de faim et de privations materielles avec ma fille, j’ai reçu de l’argent. J’ai senti que je devais établir rapidement mon budget et ne l’ai pas fait. Telle un élastique tendu, une fois lâché, j’ai fait des dizaines de dépenses farfelues et de cadeau pour ma fille. Je me sentais prise dans un sentiment d’urgence car dépenser sans compter est anxiogène. Bilan: je dois établir mon budget, réfléchir mes achats.
Votre article va m’y aider.
Moi non plus je ne veux plus de plastique ni d’emballages.
Merci.
Merci à vous pour ce témoignage. Et bon courage 🙂